Le chef de l'État fêtera la semaine prochaine le deuxième anniversaire de sa victoire à l'élection présidentielle.
Le président n'aime pas les anniversaires. Ce sont des «gadgets de journalistes», maugrée-t-il souvent. Mais il paraît plus que souriant, alors que la presse s'apprête à souffler les deux bougies du quinquennat à sa place. Ceux qui le croisent ces temps-ci tombent sur un homme indifférent aux polémiques qui se sont succédé après les propos qu'on lui a prêtés, sur Barack Obama ou José Luis Zapatero. Un président sans états d'âme. Il recevait il y a quelques jours le fondateur et rédacteur en chef d'El Pais, Juan-Luis Cebrian. Nicolas Sarkozy a fait une tout autre impression que celle qui surnageait ces derniers jours dans la presse internationale au patron du journal de la gauche espagnole : «J'ai vu le président français plus solide, plus tranquille, plus sûr de lui, plus décidé que jamais à appliquer ses réformes. Plus satisfait également.» Reflet de ce nouvel état d'esprit, Sarkozy a confié récemment à un ministre de ses amis : «Mes ambitions personnelles sont assouvies, je n'ai plus que des ambitions collectives.» Comme si le chef de l'État goûtait, deux ans après son arrivée à l'Élysée, un moment d'accalmie avant le retour de la tempête.
«Je ne me contorsionne pas. Je suis en phase avec le pays. Mon rôle est d'être un point fixe et un repère, de mettre de la perspective», confiait-il au Figaro la semaine dernière. Plusieurs fois, Nicolas Sarkozy a repris ce terme, pour souligner qu'il ne se sentait pas obligé, crise oblige, de renier ce qu'il était ou ce qu'il croyait. Pourquoi cet accès de sérénité après une année passée sur le pont, à essuyer les paquets d'eau salée ? «Il a le sentiment qu'il a atteint son plancher dans l'opinion, qu'il ne descendra pas tellement plus», explique l'un de ses proches. Ce visiteur du soir raconte que Nicolas Sarkozy a découvert avec délice, en fin de semaine dernière, le sondage du journal Sud-Ouest qui lui donnait 28 % des suffrages au premier tour de l'élection présidentielle - soit seulement trois points de moins qu'en 2007. Ségolène Royal ne récoltant que 20 % des voix, un tout petit point devant François Bayrou, toujours en embuscade. «Les Français ont vu clair dans le jeu de Ségolène Royal», sourit un conseiller du président. Ce n'est pas seulement sa cote de confiance dans l'opinion, c'est aussi l'état du pays que Nicolas Sarkozy juge finalement moins inquiétant que prévu. «On ne cesse de me prédire la catastrophe. Le 14 juillet 2008, ce devait être la révolte des armées, puis on m'a annoncé les banlieues à feu et à sang», répète-t-il sans cesse à son entourage, à la veille de la manifestation du 1er Mai.
Pour étayer cet optimisme à contre-courant, Nicolas Sarkozy rappelle volontiers la situation dans laquelle se trouvaient ses prédécesseurs deux ans après leur accession au pouvoir. «En 1983, Mitterrand était au fond du trou. En 1997, Chirac aussi. En 2004, nous avons été laminés aux européennes», confie le chef de l'État. Il estime donc qu'il a réussi, pour le moment, à passer entre les gouttes de la pire crise depuis 1929, sans entamer son capital de confiance auprès de son électorat. Alors qu'on peut trouver dans les kiosques le libelle du caricaturiste Siné, qui interpelle le président en titrant «Pauvre con», ce dernier répond à cette insulte comme aux dénonciations pour «abus de pouvoir» venues de Bayrou ou d'autres : «Ça ne me plaît pas d'être insulté. Je n'ai volé personne. Je me suis construit patiemment. Je suis quelqu'un d'honnête. C'est injuste, mais je continue à tracer mon chemin.»
«Il a appris la gravité des choses»
Nicolas Sarkozy a donc décidé de ne pas céder sur les trois ou quatre thèmes qui sont stratégiques pour les 40 % de Français qui le soutiennent toujours. «J'ai des convictions très fortes, j'ai une ligne, je peux me tromper, mais je m'y tiens», explique-t-il au Figaro. Ayant reçu d'Édouard Balladur ou Alain Juppé le conseil d'augmenter momentanément les impôts pour les ménages les plus aisés, il a refusé net. «Je ne bougerai pas sur la fiscalité. Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts, mais pour réduire le coût du travail - nous préparons toujours la suppression de la taxe professionnelle», explique-t-il. De même, il se refuse à supprimer les exonérations de charges pour les heures supplémentaires, le service minimum - «La France n'est plus paralysée pendant les grèves», se félicite-t-il. «L'été approche, les grandes vacances aussi, le moment de la grande grève est passé», juge un interlocuteur du chef de l'État. «Il sait que s'il bouge sur les fondamentaux de son électorat, il est mort», conclut ce dernier. «Sarkozy incarne toujours quelque chose aujourd'hui, comme en mai 2007», estime l'un de ses proches conseillers : «la réforme».
Bouclier fiscal, sécurité, heures supplémentaires, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux et travail le dimanche sont donc les bornes du sarkozysme, même par temps de crise. Il envisage même une sortie du tunnel moins laborieuse que prévu : «La crise a été très brutale. Du même coup, on peut espérer que la reprise sera aussi brutale. Objectivement, la France souffre moins que nos voisins», estime-t-il.
Le chef de l'État déteste faire des bilans d'anniversaire, mais son entourage observe qu'«il a forcément changé». «Il a appris la gravité des choses», résume un ministre, qui cite la guerre en Afghanistan , les prises d'otages au large de la Somalie. Selon ce ministre, il aura fallu un certain temps à Nicolas Sarkozy avant de s'habituer à «cette alchimie bizarre» qui fait le pouvoir présidentiel : «un mélange de recul et de gestion de l'immédiat. Il faut apprendre être très patient et très réactif».«Ma situation est particulière, je suis à la fois arbitre et acteur. La plupart de mes collègues, Merkel, Brown, Berlusconi, Zapatero et même Obama, ne connaissent pas cette dualité. En tant qu'arbitre, je dois pacifier, établir des équilibres et, comme acteur, je suis obligé de prendre des initiatives pour construire», confiait encore Sarkozy au journal El Pais pour justifier la difficulté du réglage.
«Il y a une différence entre la gestion d'un moment de l'actualité et le sillon que l'on trace dans la durée», résume son conseiller en communication, Franck Louvrier. Peu à peu, Nicolas Sarkozy a fait l'apprentissage de la prérogative principale du président, qui est le «maître du temps». «Qui se souviendra d'Hadopi ou de la loi OGM à la fin du quinquennat ?», demande un conseiller. Afin de montrer que la fébrilité liée à la découverte du «job de président» est aujourd'hui dissipée, Nicolas Sarkozy fait savoir clairement que le prochain remaniement n'est pas au cœur de ses préoccupations. «On ne répond pas à une crise économique par un changement de gouvernement», estime-t-il. Il est d'ailleurs conscient, comme le martèle François Fillon, que la stabilité et la continuité du gouvernement sont des arguments à l'attention de ses adversaires qui l'accusent d'être «brouillon et impulsif». «Le chef de l'État est conscient qu'il ne peut y avoir qu'un seul changement de gouvernement en un quinquennat», estime l'un de ses proches. Récemment interrogé sur le dossier Continental, par un proche, Nicolas Sarkozy a répondu : «Je ne sais pas. Je n'ai pas réponse à tout, un sujet après l'autre.» Une façon de rappeler qu'il ne veut pas se projeter tous azimuts dans tous les dossiers.
Autre exemple du nouvel état d'esprit du président : le Grand Paris. L'idée de mener à bien ce chantier pharaonique donne la mesure de l'ambition présidentielle telle qu'elle s'exprime ces temps-ci, à l'Élysée.
Deux ans après, Nicolas Sarkozy n'a pas non plus changé sur un point : il entend plus que jamais continuer l'ouverture. Il le sait : il ne gagnera pas la présidentielle de 2012 sans l'apport des voix du centre et de la gauche. Il juge sévèrement son attitude de boycott de la loi Internet, «c'est la rupture entre les créateurs et la gauche», ajoutant que «le PS ne peut pas défendre la régulation et s'y opposer». Raison de plus pour débaucher les talents. Il redouble aujourd'hui d'éloges à l'égard de Claude Allègre, tout comme Jack Lang. «Il ne pense qu'à 2012, sourit l'un de ses amis, parce qu'il veut aller jusqu'au bout de la réforme.»
En vue de 2012, Nicolas Sarkozy souhaite que les Français lui donnent quitus d'avoir conduit des réformes dont ils ont perçu les effets dans leur vie quotidienne. «Nous sommes dans un pays tellement complexe que le sentiment de réforme est difficile à faire apparaître. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il ne faut pas faire une réforme après l'autre, mais toutes en même temps. La baisse de la TVA dans la restauration, le RSA, la presse, le crédit impôt recherche, les peines planchers, la prime à la casse touchent à chaque fois des catégories différentes», philosophe un membre de son cabinet.
Plébiscité au côté d'Obama sur Facebook
Avant de s'envoler pour l'Espagne, Nicolas Sarkozy a pris connaissance d'une note que son cabinet lui a remise ces jours-ci. Elle explique comment la campagne lancée par le réseau social Facebook - qui vient de franchir le cap des 200 millions d'adhérents - a sélectionné quinze leaders d'opinion dans le monde - de la chanteuse Britney Spears au champion de natation Michaël Phelps - et, dans la catégorie des hommes politiques, seulement deux «influenceurs» (sic) : Barack Obama et Nicolas Sarkozy. «Il y a de la place pour tout le monde», avait lancé Nicolas Sarkozy à propos de Barack Obama au début du mois de janvier. Visiblement, Nicolas Sarkozy estime désormais s'être taillé sa place dans l'Olympe des chefs d'État qui influencent le cours de l'Histoire.
Extrait du FIGARO.
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